J’ai commencé ma carrière universitaire à l’Université de Montréal en l’an 2000, puis j’ai été titulaire d’une chaire de recherche du Canada à l’Université de Sherbrooke de 2005 à 2009. Aujourd’hui, je suis professeure titulaire au département de médecine de famille de McGill, où je travaille depuis 2010. J’occupe une chaire de recherche financée en médecine familiale et communautaire au Centre hospitalier de St Mary à Montréal, où je suis aussi directrice scientifique du Centre de recherche. J’occupe également le poste de directrice scientifique du Réseau de recherche en soins de santé primaires de McGill et j’ai été directrice fondatrice du réseau de connaissances québécois Réseau-1 Québec.
Être nommée Chercheuse de l’année en médecine familiale par le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) suscite en moi une humble réflexion et une profonde gratitude envers tous ceux qui ont contribué à cet honneur. Je tiens à remercier la communauté des cliniciens et des chercheurs en soins primaires, qui m’ont fait une place et m’ont permis d’étudier aux premières loges la médecine familiale et la prestation de services de santé. J’ai fait mon entrée dans l’univers de la médecine familiale juste après ma maîtrise en épidémiologie et en biostatistique, quand mon superviseur, Dr Walter Spitzer, m’a affectée à une demande de financement pour le Département de médecine de famille, qui avait pour objectif d’aider des collègues du Costa Rica à établir un nouveau programme de résidence en médecine de famille. J’ai réussi à obtenir le financement et Dr Bill Davis, alors directeur du département, a pris des dispositions pour que je puisse être exposée de façon intensive à la médecine familiale et à la résidence, pour me préparer à coordonner les efforts au Costa Rica. J’ai eu le privilège d’observer directement des rendez-vous cliniques, la supervision de résidents, des réunions administratives et des examens de certification. On m’a même donné des lignes directrices structurales sur les méthodes d’enseignement efficaces et les espaces cliniques. Je suis reconnaissante envers mes généreux collègues médecins de famille qui m’ont accueillie et considérée comme une égale. Cette exposition aux réalités cliniques de la médecine familiale a grandement influencé mes recherches tout au long de ma carrière.
Dans mes travaux de doctorat, j’ai étudié la relation entre la performance individuelle de trois cohortes de nouveaux diplômés en médecine de famille aux examens du permis d’exercice médical et les constantes que l’on remarque ensuite dans leur pratique en consultant leurs dossiers de facturation médicale. (Oui, il existe un lien entre les scores au volet médecine préventive et le taux de recommandation au dépistage par mammographie, et d’ailleurs, il se renforce avec le temps !) La variable la plus prédictive était une variable indirecte de continuité des soins. Il s’est avéré que, juste au moment où je m’intéressais à la continuité des soins, le Canada venait d’en faire une priorité de recherche dans le domaine des services de santé. Cependant, dès les premières rondes de financement du projet, on pouvait d’emblée constater l’absence d’une conception commune de la continuité des soins. Mon mentor lors de mes études postdoctorales, Dr Raynald Pineault, m’a dirigé vers un financement pour une revue de la littérature interdisciplinaire dans le but de proposer une définition commune et de faire un survol des mesures. Cela a donné lieu à une publication dans le BMJ, qui a été citée plus de 1000 fois depuis et a jeté les bases des recherches ultérieures sur la continuité des soins.
Au début des années 2000, la plupart de mes recherches portaient sur l’expérience des patients vis-à-vis des soins, puisqu’il fallait à l’époque clarifier davantage quelles mesures permettraient d’évaluer efficacement les énormes investissements dans les projets de renouvellement en soins primaires. C’est devenu ma mission de dresser avec rigueur un portrait véritablement utile du patient ou de la voix publique. J’aimerais remercier les nombreuses personnes qui ont eu la générosité de parler de leur expérience et d’exposer leur point de vue, lors d’entrevues ou de sondages. Ces patients nous ont aidés, moi et plusieurs autres, à trouver la meilleure façon de déterminer la portée de leur domaine d’expertise et comment l’exprimer.
Faute d’espace, je ne pourrais pas nommer dans ce programme tous les mentors et les collègues envers qui je suis reconnaissante pour ma carrière gratifiante en recherche. La communauté nord-américaine de recherche en soins primaires survit et prospère dans une économie du don, reposant sur un généreux échange d’idées grâce auquel nous nouons des collaborations fructueuses et de profondes amitiés. Je remercie mes assistants de recherche et mon personnel pour leur talent, leur ténacité et leur passion. Sans eux, les propositions de recherche ne resteraient que des propositions.
Enfin, je souhaite par-dessus tout remercier ceux et celles qui m’ont soutenue durant de nombreuses années, et qui ont souvent cru en moi plus que je ne croyais en moi-même. Les gens de ma paroisse, auprès de qui je puise ma force, m’ont aidée à voir mon travail davantage comme une vocation qu’une carrière. Mes parents, deux têtes fortes qui se sont attaqués à de grands défis pour défendre une noble cause, m’ont donné un exemple saisissant de ce que signifie une vocation. Mes fils, Christopher et Mateo, m’aident à garder les pieds sur terre en me rappelant constamment ce qui compte réellement. Enfin, mon mari artiste, Peter Aitkens, a systématiquement démontré (P < 0,05) lors d’innombrables essais à effectif unique que l’amour, la fidélité et la beauté sont des facteurs déterminants du succès en recherche et d’une belle vie.
Prix du chercheur de l’année en médecine familiale
Ce prix reconnaît un chercheur en médecine familiale, membre du CMFC, pour ses contributions originales à la recherche et à l’acquisition du savoir en médecine familiale au Canada. La contribution peut couvrir tout aspect de la recherche en médecine familiale, que ce soit sur le plan clinique, pédagogique ou des services de santé.
Ce prix vise à honorer un chercheur en médecine familiale qui a joué un rôle clé dans la définition, le développement et la dissémination de concepts importants pour la discipline de la médecine familiale.